RÉSUMÉ
Source : CDE - Concertation, Décision, Environnement
Depuis peu en France, l’adaptation apparaît comme une stratégie d’action politique territoriale pour répondre aux incertitudes liées aux effets du changement climatique. Par un retournement dans l’histoire des idées, cet appel récent à l’adaptation apparaît comme une nouveauté, mais aussi comme une évidence et une urgence. Cette injonction se double d’une séduction : une capacité à simplifier et à mettre de l’ordre dans un ensemble d’actions ressenties comme hétérogènes (notamment par la multiplicité des acteurs amenés à participer) et menées au nom du développement durable.
En s’interrogeant sur cette posture, l’objectif de la recherche est d’effectuer un retour critique sur l’adaptation comme concept clef pour appréhender l’incertitude. Approches historique, théorique et de terrain seront mobilisées. Notre hypothèse est que la formulation des politiques territoriales faite au nom de l’adaptation ne peut pas être sans impact sur la concertation : son sens, ses modalités, sa portée. Ce retour critique sur l’adaptation doit contribuer à lui rendre sa richesse, son potentiel créatif ; mais révéler ses implicites doit permettre d’éviter que son utilisation actuelle légitime un retour à l’aménagement moderne, et donc à l’affaiblissement de la concertation.
La démarche de recherche s’articulera en deux volets. Le premier concerne la « généalogie de l’expertise globale ». Les idées qui ont présidé aux théories et aux pratiques touchant à l’adaptation seront donc le « terrain » sur lequel portera l’effort principal de la recherche. Elle se concentrera sur la façon dont l’adaptation s’est déclinée en aménagement à la lumière de l’écart entre le climat du lieu où est élaboré un modèle d’action et celui auquel il faut l’adapter. A ce point, l’approche de l’histoire des idées en géographie et aménagement, nous aura ouvert la question de l’adaptation et permis de comprendre son potentiel, pour mieux saisir en quoi certains de ses avatars actuels (comme l’expertise globale) redéfinissent de fait les tenants et les aboutissant de la concertation.
Le second volet s’intéressera à l’adaptation comme révélateur d’une mutation du pilotage de l’action face à l’incertitude. Le défi aménagiste est de répondre à l’incertitude en passant du pilotage à priori à celui par les conséquences. Nous chercherons à faire émerger des expériences de terrain où l’adaptation pourrait jouer un rôle clef dans cette trajectoire, et donc qui facilitent à un degré croissant les pratiques réflexives. Trois scénarii sont définis, dont celui des pratiques réflexives intermédiaires sur lequel nous nous concentrerons. En relation avec le premier volet, deux terrains seront mobilisés : le Niger et le Brésil.
Les résultats attendus incluent une prise de distance critique face une rhétorique de l’adaptation en aménagement, afin de mieux évaluer les structurations implicites qu’elle permet, en particulier dans sa relation à la concertation. Il s’agit de mieux comprendre le poids actuel d’une expertise globale utilisant l’adaptation comme cadre stratégique et méthodologique, au moment même où en France se fait sentir, avec un temps de retard, le même besoin. De plus, par cette réflexion sur l’adaptation comme réponse à l’incertitude, nous espérons faire émerger des pratiques réflexives capables de s’inscrire dans un pilotage par les conséquences, et d’y saisir les conditions et des pratiques de concertation qui les facilitent.
Se déroulant sur 36 mois, la recherche sera valorisée par un colloque final, des communications dans des réunions scientifiques et dans des structures d’aménagement, des articles et un ouvrage.