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Sécheresse : à quoi s’attendre et comment s’adapter ?

Le changement climatique accélère la sécheresse en France, qui gagne des territoires toujours plus nombreux. Le risque est majeur : manquer d’eau dans notre pays. Que prévoient les climatologues ? Quelles solutions pour éviter les pénuries ? Comment s’adapter ? Le point dans ce dossier.

-10%

des cumuls de pluie

en été en 2050 et 15 à 27 jours supplémentaires de sécheresses des sols en 2050, comparé à la période 1976-2005

2 fois plus

de sécheresse des sols

en 2050, comparé à la période 1976-2005

2 MD

de m3 d'eau

manqueront en 2050 si la demande reste stable

Comprendre

De quoi parle-t-on ?

La sécheresse est un épisode durable de manque d’eau conduisant à différents impacts notamment sur le sol, la végétation et les aquifères (réservoirs d’eau souterraine). On distingue trois grands types de sécheresses :

  • La sécheresse météorologique : elle est provoquée par un manque de pluie ; quand la quantité d’eau est nettement inférieure aux normales saisonnières sur une période prolongée.
  • La sécheresse du sol (« dite sécheresse agricole ») : elle est causée par un manque d’eau dans les sols et nuit au développement de la végétation ; contrairement à son nom, elle ne touche pas uniquement les terres agricoles mais l’ensemble des sols et plantes.
  • La sécheresse hydrologique : elle se produit quand les réserves en eau des nappes, cours d’eau et lacs descendent sous la moyenne. La sécheresse peut résulter d’un manque de pluie mais pas seulement : elle peut aussi être le résultat d’une forte évaporation liée à des températures élevées. La sécheresse peut aussi être aggravée par l’utilisation intensive ou inadaptée de l’eau disponible, d’un mauvais usage du sol.

Comment le changement climatique aggrave la sécheresse

Le changement climatique induit des températures plus élevées ainsi qu’une baisse des précipitations en été: ces éléments combinés  augmentent l’évaporation et le déficit en eau des sols, plans d’eau et cours d’eau et au final, les trois types de sécheresse.

2022 : triste année record pour la sécheresse

En 2022, 35 % des sols du territoire ont été en situation de sécheresse (moyenne calculée sur l’année). Cette sécheresse s’est étalée sur 10 mois : de mars à fin décembre. Cette situation est inédite depuis le début des analyses sécheresses de Météo France, qui remontent à 1959.

Sécheresses du sol
En France,  les sécheresses du sol sont plus fréquentes et plus intenses, surtout depuis fin 1980.

 

Sécheresse du sol et température : un cercle vicieux ?

A l’échelle locale, plus un sol est sec, plus il se réchauffe vite et augmente la température en période de canicule. Cette température plus élevée aggrave à son tour l’évaporation et la sécheresse du sol. Ces rétroactions négatives se constatent de plus en plus souvent en France.

A l’échelle mondiale, sur le temps long, s’observe un autre phénomène physique : les sécheresses à répétition affectent le rôle « puits de carbone » de la végétation  et la rend moins capable d’absorber le CO2. . Résultat : les gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère et aggravent le réchauffement climatique.

A quoi s’attendre d’ici 2050 et au-delà ?

Les nouvelles simulations de Météo France (projet de recherche Explore2, en ligne sur le portail Drias eau) précisent le futur des sécheresses en France, lié à l’évolution des précipitations et des températures. D’ici 2050, on s’attend à :

  • une hausse des pluies en hiver et une baisse en été avec une modulation régionale (davantage de pluie au nord, moins au sud), même si l’évolution des précipitations annuelles présentent de fortes incertitudes.
  • -10 % des cumuls de pluie en été et 15 à 27 jours de sécheresse de sol en plus par an, comparé à la période 1976-2005.
  • 2X plus de sécheresses en été, comparé à la période 1976-2005.
  • Les régions dont les sols sont aujourd'hui les plus humides connaîtront probablement les évolutions les plus fortes par rapport au climat actuel. Les zones montagneuses et méditerranéennes connaîtront des sécheresses de sol très marquées.
Sécheresse des sols : quelle évolution à horizon 2040-2070 ?
Carte sécheresse
Simulation de Météo France dans le cas du scénario RCP8.5 du GIEC (aucune réduction d’émissions de gaz à effet de serre), moyenne annuelle pour un horizon 2041-2070 (Drias 2020).
En rouge : les jours supplémentaires de sécheresse, comparé à la période de référence 1976-2005
En bleu : les jours de sécheresse en moins, comparé à la période de référence 1976-2005

 

Il est urgent d’agir

La sécheresse menace notre consommation d’eau dans de nombreux domaines. Eté 2022, une centaine de communes, privées d'eau potable, ont dû être alimentées en eau par camions-citernes. 2 MD de m3 d'eau manqueront en 2050 si la demande reste stable (source : Mission interministérielle sur les impacts du changement climatique, l’adaptation et les coûts associés en France). Par ailleurs, la sécheresse a des impacts sur la qualité d'eau(eutrophisation, température de l’eau) et la biodiversité (faune et flore).

La sécheresse a également d'importantes répercussions sur l'agriculture (pertes agricoles, conséquences sur le bétail, mais aussi sur la forêt), la production d'électricité hydraulique et nucléaire (pour fonctionner, les centrales nucléaires prélèvent de l’eau dans les rivières, les fleuves ou la mer) et le prix des matières premières). Elle augmente le risque d’incendies.

Pour les entreprises : la perturbation de l’agriculture n’est pas la seule conséquence. Une ressource en eau moins disponible peut aussi perturber le fret fluvial ou les opérations de refroidissement d’une entreprise par exemple. Côté coût : selon la Fédération Française d’Assurance, la charge moyenne annuelle des dégâts liés à la sécheresse indemnisés entre 2020 et 2050 atteindra un total de 43 milliards d’euros (France Assureurs, 2021).

Agir

Comment s’adapter au risque de sécheresse ? Quelles sont les solutions pour faire face à la pénurie d’eau ? Tous nos territoires sont désormais potentiellement concernés. Au-delà des restrictions temporaires, les collectivités sont appelées à jouer un rôle clé pour économiser l’eau en jouant sur l’offre et la demande. Réparer les fuites du réseau, réutiliser les eaux usées, changer de comportement : autant de pistes à déployer.

Identifier les risques pour son territoire

Pour connaître les départements en situation de sécheresse :

Actualisés chaque jour, ils recensent sur une carte nationale tous les arrêtés de restriction d'eau, département par département. Potentiellement, tous les départements peuvent être aujourd’hui concernés, d’où la nécessité d’adopter d’entrée de jeu de nouveaux comportements pour économiser l’eau.

DRIAS-Eau, le portail de Météo France

En partenariat avec INRAE et l’Office International de l’Eau (OiEau), le portail Drias eau propose un ensemble de données hydrologiques en climat futur, basées sur les différents scénarios du GIEC et permet de visualiser, sous forme de cartes, l’évolution de la ressource en eau au plus près des territoires, à court, moyen et long terme.

Cadre réglementaire et stratégie nationale

Les restrictions locales en cas de sécheresse pour économiser l’eau

En cas de sécheresse, ce sont les préfets à l’échelle du département, qui décident de limiter ou de suspendre les usages de l’eau non prioritaires pour les particuliers et les professionnels, de façon temporaire et graduelle. Il existe 4 niveaux de gravité :

  1. Vigilance : inciter les particuliers et les professionnels à économiser l’eau (pas de restriction) ;
  2. Alerte : réduire tous les prélèvements en eau et interdire les activités impactant les milieux aquatiques ; restreindre l’arrosage, le remplissage et la vidange des piscines, le lavage de véhicules et d’irrigation de cultures ;
  3. Alerte renforcée : idem avec des restrictions renforcées pour l’arrosage, le remplissage et la vidange des piscines, le lavage de véhicules et l’irrigation de cultures ;
  4. Crise : seuls sont préservés les usages prioritaires ; interdiction des prélèvements pour l’agriculture (totale ou partielle), pour de nombreux usages domestiques et publics.

Le guide sécheresse (synthèse)

La collectivité est compétente pour distribuer l'eau potable. En cas de menace grave de tarissement de l’eau, le maire peut décider de ravitailler sa commune en eau potable. Cette mesure de police doit être justifiée et proportionnée.

Le plan Eau, 53 mesures pour économiser l’eau

Annoncé mars 2023, le plan national prévoit 53 mesures pour économiser l'eau. Objectif : -10 % d’eau prélevée d’ici 2030. Parmi les mesures prévues :

  • Résorber en urgence les fuites du réseau.
  • Réutiliser 10 % des eaux usées d’ici 2030, contre moins de 1 % actuellement.
  • Mettre en place une tarification progressive et responsable de l’eau
  • Installer un « EcoWatt de l’eau », sur le modèle de l’outil initié pour réduire la consommation d’électricité. L’eau étant une compétence largement décentralisée, les élus seront étroitement associés à l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique.

Le plan Eau

Augmenter l’offre : réparer les fuites du réseau, réutiliser l’eau, renaturer…

Résorber les fuites: un litre sur cinq est perdu

En France, un litre d’eau sur cinq est perdu en raison de fuites dans les réseaux de distribution d’eau potable, et dans 170 communes, un litre sur deux. L’une des premières choses à faire pour les collectivités est donc de veiller à réparer en urgence leur réseau.

Miser sur la nature, meilleur atout face à la sécheresse

Pour faire face à la sécheresse, l'une des meilleures solutions est de laisser un maximum de place aux milieux naturels et de restaurer leur fonctionnement naturel. Lorsqu’ils sont en bon état, ces écosystèmes stockent naturellement l’eau, en plus de favoriser la biodiversité. Plusieurs solutions d’adaptation fondées sur la nature, expérimentées par les collectivités, ont ainsi démontré leur efficacité  :

  • Restaurer les zones humides : marais, tourbières, lacs, étangs, mangroves, prairies humides..., ces milieux agissent comme des éponges : en cas de pluie ils absorbent l’eau, limitant ainsi leur ruissellement et donc les inondations. En période sèche, ils relâchent l’eau peu à peu, alimentant les nappes souterraines et les cours d’eau. Un mètre cube de tourbière peut stocker 700 litres d’eau.
  • Restaurer l’hydromorphologie des rivières : un grand nombre a été recalibré pour court-circuiter leurs méandres, à partir des années 50. Ces rectifications artificielles ont souvent coupé les cours d’eau de leurs zones d’expansion de crue et de leurs nappes phréatiques. Résultat, les cours d’eau s’écoulent plus vite vers la mer, leur débit d’étiage (débit minimum) baisse. La solution ? Rendre aux rivières leur tracé naturel et les reconnecter à leurs nappes.
  • Maintenir l’humus des sols : la couche supérieure des sols, riche en litière et matière organique, aide à maintenir l’humidité du sol et sa capacité à infiltrer l’eau. La protéger par toutes sortes d’actions est donc essentiel, que ce soit dans les jardins, dans les champs, ou les forêts : cultiver sous couvert végétal, éviter de terrasser, piétiner ou labourer, couvrir les plants et les semis, préserver les haies ou encore pratiquer l’agroforesterie… autant de mesures à privilégier.
  • Renaturer les villes pour mieux infiltrer l’eau de pluie là où elle tombe : en ville aussi, on peut agir contre la sécheresse en augmentant le pouvoir d’infiltration du sol. Désimperméabiliser les sols bitumés ; végétaliser les rues, les places ; augmenter la fertilité du sol grâce à une dense végétation… toutes ces actions contribuent à recharger les nappes d’eau souterraines et à soutenir les débits des cours d’eau en été.

Les collectivités ont le pouvoir d’agir : à travers les documents d’urbanisme, les maires peuvent faire l’inventaire de leurs zones humides ou naturelles pour ensuite les préserver  : par exemple interdire toute nouvelle construction sur ces zones, acheter ces terrains pour les valoriser.

700

litres d'eau

C'est ce que peut stocker un m3 de tourbière, une vraie éponge!

Utiliser les eaux dites « non conventionnelles » : eau de pluie, eau usée….

Ce terme désigne toutes les eaux non récupérées par l’homme. Au-delà des eaux usées traitées en station d’épuration, il inclut :

  • les eaux de pluie (récupérées en aval des toitures, ruisselant sur les voiries ; 
  • les eaux grises sortant des douches, lave-linge et lavabo ;
  • les eaux issues de process industriels ;
  • etc.

Il est possible de recourir à ces eaux pour des usages adaptés à leur qualité à toutes les échelles : à la maison, dans un bâtiment, une industrie, en ville. Attention, cette solution ne permet d’économiser l’eau que si elle se substitue et non s’ajoute aux prélèvements déjà en cours sur la ressource en eau. Ce qui nécessite une stratégie concertée entre tous les acteurs locaux pour bien partager l’eau.

La réutilisation des eaux usées traitées (REUT) est à développer. Objectif national : réutiliser 10 % des eaux usées d’ici 2030, contre moins de 1 % actuellement. 1 000 projets seront lancés en cinq ans pour recycler et réutiliser l’eau (Plan Eau). Cette solution est encore peu mise en oeuvre en France par rapport à d’autres pays comme Israël ou l’Espagne. En zone littorale, là où les stations d’épuration rejettent directement les eaux usées en mer, cette solution revient à donner une une nouvelle vie à une eau douce, si précieuse, qui plus est, produite en grande quantité en période de tourisme estival.

Deux points de vigilance : adopter une vision prospective pour évaluer au mieux les futurs besoins en eau du territoire. Veiller à ne pas retirer l’eau nécessaire au bon fonctionnement des écosystèmes naturels.

Limiter la demande : tous responsables

Préserver la ressource eau, c’est l’affaire de tous. Les collectivités ont leur rôle à jouer sur deux plans. Elles peuvent tout d’abord veiller à limiter leur propre consommation d’eau, notamment en optimisant l’arrosage des espaces verts. Elles peuvent aussi inciter leurs administrés à limiter leurs usages, en diffusant largement les bons gestes pour économiser l’eau (privilégier les douches, installer des équipements économes, réutiliser les eaux de pluies, etc.).

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