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La biodiversité : victime et solution du changement climatique

Le dérèglement du climat accélère l’effondrement de la biodiversité. Il modifie les conditions de vie des espèces, les forçant à migrer ou à adapter leur mode de vie, ce que toutes ne sont pas capables de faire. La France figure parmi les dix pays qui compte le plus grand nombre d’espèces menacées. Enrayer cet effondrement est crucial : nous avons besoin de la nature dans toute sa diversité pour respirer, nous nourrir, mais aussi réguler le climat et nous préserver de ses aléas extrêmes.

Fleurs sur le plateau du causse Méjean

30 %

des oiseaux des champs

ont déjà disparu en France en 15 ans (PatriNat, Unité mixte).

40 %

des pollinisateurs invertébrés

en voie de disparition en France (dont une majorité d'abeilles et de mouches)

14 %

des impacts sur la biodiversité

sont issus du changement climatique global (source : MTES).

Comprendre

Le changement climatique accélère l’effondrement de la biodiversité

Nous sommes à l’aube de la 6ème extinction majeure de la biodiversité. Exceptionnelle, celle-ci est 100 à 1 000 fois plus rapide que toutes les crises précédentes et c’est la première fois qu’elle doit son origine exclusivement à l’Homme, en raison de ses activités destructrices. Par ordre d’importance : 

  1. La déforestation, l’artificialisation des sols… c’est la première cause de perte de biodiversité. La destruction des habitats naturels est surtout le fait de l’agriculture intensive : 30% de pression sur la perte de biodiversité. 
  2. La surexploitation des espèces animales et végétales (surpêche, exploitations forestières…) : 23 % de pression.
  3. Le changement climatique dû aux activités humaines : la température a une influence clé sur la croissance des végétaux (bourgeonnement, floraison, maturation des fruits) et la capacité des espèces animales à se reproduire ou s’alimenter. Selon le GIEC, « le changement climatique a causé des dommages considérables, et de plus en plus de pertes irréversibles, dans les écosystèmes terrestres, d’eau douce, côtiers et océaniques » : 14% de pression.
  4. La pollution (chimique, physique, lumineuse, sonore) : 14% de pression.
  5. Les importations d’espèces exotiques envahissantes et de maladies : 11 % de pression.
Biodiversité, de quoi parle-t-on ? 

La biodiversité, ce n’est pas seulement une liste d’espèces d’animaux ou de plantes. La biodiversité désigne toutes les formes de vie sur Terre et les interactions qui se produisent entre les animaux, les végétaux, les micro-organismes et leurs milieux de vie. Cela inclut trois niveaux de diversité : la diversité génétique, la diversité au sein des espèces ainsi que celle des écosystèmes terrestres et marins.

Comment le changement climatique fragilise-t-il les écosystèmes?

  • Les migrations forcées des espèces : les espèces peuvent être obligées de se déplacer pour survivre, atteindre des altitudes plus élevées, des eaux plus profondes… En France métropolitaine, les aires de répartition (enveloppe des territoires présentant des conditions favorables à chaque espèce) se déplacent vers le nord ou en altitude. Par exemple, en 20 ans, les oiseaux se sont déplacés de 90 km vers le nord (Source : MNHM). Ces migrations forcées peuvent provoquer des maladies et des déséquilibres dans la chaîne alimentaire. La chenille processionnaire qui attaque les pins a progressé vers le nord et la montagne et menace désormais la quasi-totalité de la métropole. En Méditerranée, ce sont 5 à 10 nouvelles espèces par an venues des mers chaudes de l’Indopacifique qui déséquilibrent l’équilibre marin.
  • En montagne, les animaux sont obligés de monter en altitude au fur et à mesure que la température s’élève, pour garder des conditions favorables, c’est à dire de fraîcheur ou d’enneigement. Le problème, c’est que plus on monte en altitude, moins il y a d’espace pour tout le monde. Il y a donc une concurrence qui s’exerce entre toutes les espèces. Les forêts sont aussi remontées d’environ 30 mètres ces cinquante dernières années. Cette ascension de la végétation risque aussi d’entraîner la disparition définitive de certaines espèces endémiques, dépourvues de refuges climatiques : comme celle du lézard du Val d’Aran dans les Pyrénées qui affectionne les hauts espaces désertiques et enneigés.
La chenille processionnaire qui attaque les pins a progressé vers le nord et la montagne et menace désormais la quasi-totalité de la métropole.

 

  • Le changement climatique peut aussi désynchroniser les cycles entre une proie et son prédateur, une plante et son pollinisateur, une espèce animale et la plante dont il se nourrit. Ainsi, alors que la période de naissance des faons coïncidait avec la reprise de la végétation, l’arrivée du printemps plus précoce menace leur survie.
  • Les événements extrêmes peuvent également être la cause directe d’extinctions. Tempêtes, pluies intenses, canicules, etc. fragilisent ou détruisent certaines espèces. Les sécheresses rendent ainsi les forêts plus vulnérables aux tempêtes et aux incendies. Le changement climatique accentue le risque de disparitions d’espèces. C’est le cas pour le crapaud doré, disparu dans les années 1990 à la suite d’inondations extrêmes au Costa Rica.
  • Enfin, le changement climatique peut modifier les caractéristiques des espèces, réduire leur taille, changer leur physiologie... Un exemple ? Au-dessus de 31°C, les oeufs des tortues se transforment en tortues femelles. Au nord de la Grande barrière de corail, 87 % sont aujourd’hui des femelles. Notre tortue européenne cistude rencontre le même problème.

L’outre-mer, très riche et si vulnérable 

Insulaires et de taille modeste, les territoires d’outre-mer peinent à amortir les pressions qu’ils subissent alors qu’il renferme 80 % de la biodiversité française avec plus de 300 espèces endémiques (ne vivant que sur ces territoires). Les sécheresses prolongés rendent les forêts tropicales plus vulnérables aux feux. Les espèces qu’elles abritent, ultra sensibles, ne parviennent pas à s’ajuster à des variations même minimes du climat.
Les récifs coralliens sont fragilisés : la hausse de température des océans, ajoutée à leur acidification fait blanchir les coraux qui tombent malades alors qu’ils sont le socle même de la vie maritime. Les mangroves sont, quant à elles, menacées par la montée des eaux. Elles reculent alors à l’intérieur des terres faisant ainsi augmenter la salinité de ces espaces. En cascade, ce sont les écosystèmes d’eau douce en arrière mangrove qui sont menacés.

 70 à 90 % des récifs coralliens pourraient disparaître à +1,5° C, et jusqu’à 99 % à +2° C de réchauffement mondial.

À son tour, l’érosion de la biodiversité perturbe le système climatique et les services que nous rend la nature...

En effet, des écosystèmes en bon état participent normalement à limiter le réchauffement du climat en absorbant des émissions de gaz à effet de serre (principalement par les forêts et l’océan). Ils permettent aussi de mieux résister aux aléas climatiques (limitation du risque d’inondation, de sécheresse). Fragilisés, les écosystèmes sont moins à même de jouer leur fonction de régulateur du climat. Certaines zones qui permettaient le stockage du carbone (et donc de limiter l’impact des gaz à effet de serre) en deviennent, au contraire, des sources. C’est le cas par exemple des tourbières asséchées par le changement climatique qui libèrent d’importantes quantité de gaz à effet de serre.

À l’instar de cette fonction de régulation, c’est bien l’ensemble des services rendus par la biodiversité qui sont perturbés : accès à la nourriture, oxygène, filtration de l’eau, rafraîchissement de l’air, etc. Nous faisons partie du vivant et en sommes directement dépendants pour vivre. « L’humanité dépend de 50 000 espèces sauvages pour sa survie » note l’IPBES dans son rapport 2022 (« Utilisation durable des espèces sauvages »). Il est urgent d’agir : avec 18 % des espèces de faune et de flore menacées, la France figure parmi les dix pays au monde qui compte le plus grand nombre d’espèces exposées. Notre survie dépend d’écosystèmes sains et d’une biodiversité riche.

Il est urgent d'agir : avec 18 % des espèces de faune et de flore menacées, la France figure parmi les dix pays au monde qui compte le plus grand nombre d'espèces exposées.

Concrètement, voici les impacts attendus  d’un déclin de la biodiversité :

  • L’agriculture, la sylviculture, la pêche. Par exemple, le déclin des oiseaux insectivores entraîne une hausse des insectes nuisibles défavorables à l’agriculture et à la foresterie. Les événements extrêmes (tempêtes, canicules, sécheresses, incendies…) engendrent des pertes de rendement agricoles ou de qualité. La hausse des températures associée à la sécheresse des sols pose des questions d’adaptation des cultures, par exemple, des cépages sur le territoire. De nombreux territoires actuels de culture et d’élevage vont devenir inadaptés, avec des conséquences sévères pour les agriculteurs, pêcheurs, mais aussi toutes les personnes qui dépendent directement ou indirectement de ces productions.
  • La santé. L’extension des aires de répartition (zones où vivent une espèce donnée) va générer de nouvelles maladies, avec le développement d’agents pathogènes et d’autres espèces menaçant la santé humaine (tels que la chenille processionnaire). La hausse des températures allonge déjà la durée de production de pollens allergisants (bouleau, ambroisie, etc.) dont l’impact est renforcé par d’autres impacts du changement climatique (système respiratoire irrité par d’autres polluants atmosphériques comme l’ozone). La solastalgie est une nouvelle forme de détresse psychique, causée par les changements environnementaux, notamment la destruction de la terre et de la biodiversité lié au réchauffement climatique
  • Les paysages sont affectés avec des répercussions sur le tourisme ou notre bien-être.

Agir

Préserver les écosystèmes face au changement climatique est donc essentiel pour assurer leur survie mais aussi la nôtre. Il est crucial de limiter toutes nos activités destructrices : impact sur le climat, mais aussi déforestation, surexploitation, pollution… et quand c’est possible de restaurer les écosystèmes dégradés. C’est à ce prix que nous pourrons permettre à la biodiversité de jouer son rôle à notre égard : nous nourrir, purifier l’eau, respirer, mais aussi nous préserver des menaces climatiques.

Aider le vivant à résister au changement climatique

Le changement climatique est si rapide qu’il prend de vitesse certaines espèces incapables de s’adapter. Comment aider les végétaux à résister aux futurs assauts du climat ? Comment s’assurer de la résilience des arbres, plantés en ville ou en forêt ? L’une des clés réside dans la variété des espèces. La principale faiblesse de nos forêts est leur homogénéité : des arbres de la même essence. Si cette espèce tombe malade, c’est toute la forêt qui peut dépérir. Progressivement il va falloir intégrer de la diversité parcelle par parcelle, mélanger les essences, les classes d’âge, tester des espèces méridionales. Il n’y a pas une espèce miracle pour gérer le multirisque. Le même principe vaut en ville. Le modèle d’avenues bordées de platanes a vécu. 
ll est aussi possible d’intervenir pour aider la faune à s’adapter au dérèglement du climat. Par exemple, restaurer les « corridors écologiques » aide les animaux à gagner des territoires plus favorables à leurs conditions de vie (462 000 km de routes entravent aujourd’hui leur cycle de vie). Ou encore, des plans de gestion adaptés peuvent assurer leur survie : par exemple, si on reprend l’exemple de la tortue cistude, aménager des zones de ponte ombragée favorise l’éclosion des mâles.

Nous avons tous notre rôle à jouer pour préserver la biodiversité face au changement climatique : les collectivités, en première ligne mais aussi, les acteurs économiques, les agriculteurs, les entreprises, sans oublier les citoyens. Chacun d’entre nous peut agir à son niveau à travers des gestes simples pour protéger le vivant, comme le rappelle ce site : à travers sa consommation (choisir des produits en bois issus de forêts durables), l’entretien de son jardin ou de son balcon ( planter des prairies fleuries, privilégier les clôtures végétales, pailler le sol, bannir les pesticides, etc.).

Attention à la maladaptation. Certaines pratiques peuvent se révéler contreproductives : par exemple, installer chez soi un hôtel à insecte favorise les maladies et les prédateurs (même si c’est un bon outil pédagogique), mieux vaut laisser un coin de son jardin non tondu. De même, à l’échelle collective, certaines réponses au changement climatique peuvent nuire à la nature : mauvais positionnement des installations d’énergie renouvelables, captation des ressources en eau au détriment des écosystèmes, installation de digues au détriment des espèces ; choix d’essences exotiques pour l’aquaculture, la sylviculture, l’agriculture, etc.

Les haies protègent le sol de l’érosion, les cultures du vent et servent d'abri et de ressources alimentaires à la faune, en particulier aux pollinisateurs.

Biodiversité : la stratégie nationale

Dévoilée en novembre 2023, la nouvelle stratégie nationale comprend 40 mesures et 200 actions pour enrayer la perte de biodiversité. Le texte place notamment 10 % du territoire national sous protection "forte" (un tiers est déjà placé sous protection). Parmi les mesures clés : créer 50 000 km de haies d’ici 2030, restaurer plus de 50 000 ha de zones humides d’ici 2026, prévoir des prairies permanentes (qui jouent notamment le rôle de puits de carbone), des îlots de fraîcheur dans les écoles. L’objectif de planter un million d’arbres dans les forêts d’ici 2030, en veillant à adapter les essences au changement climatique, est maintenu.
La stratégie nationale s’inscrit dans la ligne des accords de Kunming-Montréal, pris lors de la COP15 en 2022. L'ambition? Mettre un terme à l’érosion de la biodiversité et restaurer 30 % des surfaces terrestres et marines dégradées d’ici 2030.

La biodiversité, notre meilleure alliée face aux inondations, sécheresses et canicules

Des milieux naturels en bonne santé aident à nous protéger des risques naturels accrus par le changement climatique : par exemple, les zones humides régulent les inondations en absorbant l’eau lors des crues et en la restituant lors des sécheresses. Les mangroves ou les dunes servent de barrières naturelles contre les vents et l’érosion des côtes. Les arbres rafraîchissent l’air lors des canicules et préviennent les risques d’inondation par ruissellement en ville. Les haies protègent les cultures des vents, tout en limitant les risques d’érosion et d’inondation, etc. 

Conscients de cet intérêt, l’Europe et la France ont fait des « solutions d’adaptation fondées sur la nature », une priorité. Le concept a été théorisé par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Ces actions consistent à protéger et à restaurer des écosystèmes naturels, afin de s’appuyer sur leur fonctionnement pour relever le défi du changement climatique. Elles doivent aussi présenter des bénéfices pour la biodiversité.

Les zones humides régulent les inondations en absorbant l'eau lors des crues et la restituent lors des sécheresses.

À titre d’exemple, il peut s’agir dans les villes, de créer des parcs, des mares, végétaliser les rues, les toits afin de réduire l’effet des vagues de chaleur ; développer l’agroécologie pour diversifier les récoltes et le bétail, mais aussi améliorer la santé des sols, ce qui permet une meilleure résilience aux événements extrêmes (sécheresses, inondations…). Protéger les zones humides, restaurer les cours naturels des rivières pour réduire les risques d’inondations.

Pour amplifier partout sur son territoire ces solutions d’adaptation, la France a déployé avec le concours financier de l’Europe le projet Life ARTISAN (2020-2027). Ce programme vise à sensibiliser les acteurs locaux à leur potentiel et à les outiller. Il soutient notamment des expérimentations sur 10 sites pilotes

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À travers ce plan, la ville de Paris met en oeuvre des actions afin de promouvoir la biodiversité en ville et favoriser une meilleure (…)