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Sol : le sol, un trésor à protéger face au changement climatique

Tous les jours nous marchons dessus sans réaliser à quel point il nous rend service. Il est urgent de préserver nos sols, malmenés par le changement climatique et nos activités humaines. D’autant qu’ils sont au coeur de la solution pour s’adapter aux évolutions du climat et même, atténuer son réchauffement. Explications.

COMPRENDRE

Le sol, une ressource vitale

Le sol est la clé pour notre survie. Cette fine couche de la croûte terrestre est l’épiderme vivant de notre planète. Composé de minéraux, de végétaux, d’eau, d’air et d’organismes vivants, le sol assure une foule de services essentiels : les services écosytémiques. Certains sont bien visibles (production de nourriture, d’énergie, de matériaux). D’autres, moins.
Ainsi, à la façon d’une éponge, le sol agit comme un réservoir d’eau. Un sol en bonne santé infiltre les eaux de pluie, qui alimenteront ensuite les plantes et les nappes souterraines. Il épure aussi les eaux qui le traversent, en retenant les polluants.

Il existe une grande diversité de sols : plus de 320 types ont été identifiés.

Le sol est par ailleurs un puits de carbone. Il a le pouvoir de séquestrer une partie du CO2 contenu dans l’atmosphère. Le principe  ? Les plantes absorbent le CO2 pour grandir. Lorsqu’elles meurent, elles se décomposent en partie dans le sol. Le carbone se retrouve ainsi capturé sous terre. A l’échelle planétaire, près de 2 500 milliards de tonnes de carbone sont présents dans le sol,  soit deux à trois fois plus que dans l’atmosphère. Cette séquestration aide à fertiliser les sols. C’est aussi un levier non négligeable pour diminuer les émissions de CO2.

Le sol constitue enfin un immense gisement d’espèces, indispensables à la vie sur terre. Il hébergerait près de 25 % des espèces animales actuellement décrites.Un seul gramme de sol contient près de 10 milliards de micro-organismes (dont 1 à 5 % identifiés à ce jour). Sous nos pieds, micro et macrofaunes travaillent pour nous. Bactéries, champignons, vers de terre,... aident à lutter contre les insectes ravageurs ou les maladies, décomposent la matière organique en nutriments pour les plantes, dégradent certains polluants organiques, favorisent la porosité du sol et donc, sa capacité à infiltrer et stocker l’eau.

Les supers pouvoirs des sols

Un allié face au changement climatique

Grâce à son pouvoir absorbant, le sol limite le risque d’inondation et de crues, en cas de pluies intenses et alimente les nappes phréatiques. Par ailleurs, il a la capacité de stocker le carbone et donc de compenser les émissions de CO2, responsables du réchauffement climatique. Ainsi, non seulement, le sol peut nous aider à nous adapter aux impacts inévitables du changement climatique mais il contribue aussi à en atténuer l’intensité.

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Quel potentiel de stock de carbone dans le sol en France ?

Comment le climat malmène le sol

Les impacts des sécheresses, canicules et pluies intenses

Multiplication des sécheresses, pluies extrêmes, gel tardif, canicules… Le changement climatique vient s’ajouter aux nombreuses pressions que subissent déjà les sols en raison des activités humaines  : imperméabilisation dans les villes, labour et tassement, pollution.

S’il reste difficile d’isoler les impacts liés au seul climat, les experts s’accordent sur un certain nombre de constats, rassemblés dans une étude de l’Ademe de 2016.

  • La fonte des terres gelées (permafrost) : ce dégel va libérer des débris végétaux accumulés depuis parfois plusieurs centaines de milliers d’années et qui n’ont pas été dégradés par les bactéries ; lors du dégel, leur matière est rapidement transformée en C02 ou CH selon les cas. Ce qui représentera autant de gaz carbonique dans l’atmosphère. Autres conséquences possibles : des glissements de terrain, la libération de polluants, le développement de maladies. L’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) a estimé un retrait moyen de -27,8 mètres équivalent eau sur une sélection de glaciers français entre 2013 et 2021. 
  • La sécheresse : d’ici la fin du siècle, les sols métropolitains présenteront un taux d’humidité correspondant au niveau extrêmement sec de la période de référence 1961-1990 (source : Météo France, projet ClimSec). Les épisodes de sécheresse comme celui de l’été 2022 sont appelés à se multiplier.

sol sec

Un sol sec n’absorbe plus l’eau, même en un cas de pluie intense : l’eau ruisselle, avec un risque d’inondation.

Quel lien entre sécheresse et canicule ?

Plus un sol est sec, plus il fait chaud. Car un sol sec renvoie l’énergie du soleil, en chaleur dans l’atmosphère. De même, plus il fait chaud, plus un sol s’assèche. Car l’air a besoin d’eau pour son équilibre, c’est physique. Il va donc la chercher dans le sol, l’eau des sols s’évapore. Ainsi, les deux phénomènes sécheresse et canicule s’amplifient mutuellement.

  • L’érosion et l’effondrement : la sécheresse augmente le risque d’affaissement des sols, engendré par le pompage excessif des nappes souterraines, le poids des constructions ou le labour intensif. L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) alerte sur ce risque mésestimé. De même, l’intensité des pluies va accentuer l’érosion des sols : l’eau ruisselle à leur surface et entraîne leur délitement. L’érosion peut engendrer des coulées boueuses aux conséquences désastreuses. Sont particulièrement concernés : les sols en pente, nus, secs ou limoneux.
  • Le retrait-gonflement des argiles  : les sols argileux gonflent lorsqu'ils sont gorgés d'eau et se rétractent en cas de sécheresse. Ces mouvements endommagent les ouvrages construits en surface. En France, le dernier recensement du ministère en charge de l’écologie fin juin 2021 fait état de plus de 10,4 millions de maisons individuelles potentiellement très exposées à ce phénomène. Les trois-quarts des communes sont concernées, avec plus de 50% de maisons exposées, selon les derniers chiffres de la mission Risques naturels.

Fissures

Retrait-gonflement des argiles : trois communes sur quatre concernées.

Consulter la carte d’exposition au risque retrait gonflement des argiles, du Bureau de recherches géologiques et minières.

  • Une modification de l’activité des organismes vivants présents dans le sol , avec le risque d’engendrer de nouvelles maladies et de voir apparaître de nouvelles espèces invasives dans les sols (du fait de leur migration en provenance d’autres régions).
  • Le stock de carbone dans le sol : c’est sûr, le changement climatique aura des effets à long terme sur le stock de gaz carbonique présent dans la litière du sol. Mais difficile de prédire lesquels selon les experts. D’un côté, les fortes chaleurs devraient accélérer la dégradation de la litière, et donc réduire le stock de carbone qu’elle contient. De l’autre, la sécheresse devrait retarder sa dégradation.
  • La salinisation : le changement climatique entraîne une montée de la mer qui augmente la teneur en sel des sols du littoral. Autre risque possible : la salinisation liée à une mauvaise irrigation. Mal drainée, l’eau d’irrigation laisse des dépôts de sels dans les champs et finit par stériliser les terres. Récurrent dans d’autres pays (ex : Afrique du Sud et Australie), ce phénomène pourrait se développer dans nos régions viticoles comme la Camargue ou le Médoc.

Des conséquences en cascade, des services écosystémiques perturbés

Le changement climatique modifie ainsi la structure du sol, sa teneur en eau, l’activité des organismes vivants qui le composent. Toutes ces évolutions perturbent ensuite son fonctionnement et menace les services écosystémiques qu’il nous procure.

Des ressources fragiles, encore peu protégées

Essentiels par les services qu’ils rendent à l’humanité, uniques, du fait de leurs différentes propriétés, les sols mettent des milliers d’années à se former. Malheureusement, quelques années ou décennies suffisent à les dégrader.

Malgré leur caractère essentiel et non renouvelable, une surface équivalente à un département français est consommée tous les dix ans par l’urbanisation dans notre pays. Et contrairement à l’eau et à l’air, le cadre réglementaire national et européen autour des sols reste peu structuré. Les sols sont traités dans de nombreux domaines, avec des approches encore très segmentées. Sauf exception (sols proches des constructions à risque technologiques ou de captage d’eau), il n’existe pas de réglementation spécifique sur les sols en France.

Des avancées

Pour autant, la prise de conscience grandit. En 2021, pour la première fois, la Loi Climat et Résilience a introduit la notion de fonctionnalité du sol et impose de limiter son artificialisation, lorsqu’elle altère ses fonctions écologiques.

De son côté, la Commission européenne a adopté en juin 2022 un volet de propositions visant à restaurer les écosystèmes endommagés et à ramener la nature dans toute l'Europe (le « paquet nature »). L’un des enjeux affirmé est clairement de relever les défis des crises climatiques qui s’annoncent. Elle proposera en 2023 une nouvelle législation pour protéger les sols, à l’instar des réglementations protégeant l’eau et l’air.

AGIR

Elus, urbanistes, gestionnaires de forêts ou d’espaces verts, vos décisions et vos pratiques peuvent protéger les sols, des aléas climatiques et préserver les services qu’ils rendent à la société. Limiter l’étalement urbain, préserver les zones humides, … quantité de techniques sont appelées à se multiplier dans les territoires, au fur et à mesure que le climat se dérèglera.

Stratégie nationale : que dit la loi ?

Considérant les fonctions essentielles des sols, le plan national d'adaptation au changement climatique 2018-2022 (PNACC 2) a fait de leur résilience, un enjeu majeur. Avec le plan biodiversité 2018, il appelle à limiter l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols, pour atteindre un objectif de « zéro artificialisation nette » à terme. L’enjeu est de limiter l’étalement des villes sur les Espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF).

La Loi Climat et Résilience (2021) change de braquet, avec des objectifs chiffrés et datés. Elle oblige les collectivités à réduire par deux la consommation des sols d’ici 2031, avec un objectif de Zéro artificialisation nette d’ici 2050 (ZAN). Désormais, l’artificialisation s’entend comme tout usage du sol qui altère ses fonctions écologiques. Le sol est considéré comme une ressource, dont il faut préserver la fonctionnalité.

Préserver les espaces naturels et agricoles dans l’aménagement

Planifier : premier levier à disposition des collectivités

Un plan territorial, portant à la fois sur l’urbanisme, la biodiversité, les déchets, l’assainissement, les énergies, etc. est le premier geste de la collectivité pour impulser une politique en faveur de l’adaptation des sols au changement climatique. Il s’agit de mettre au cœur des décisions publiques le support sur lequel elles reposent : la terre, le socle. Plus les sols seront en bonne santé, plus ils rempliront leurs fonctions, plus les projets des collectivités seront durables face au changement climatique.

La loi Alur (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, 2014) donne la possibilité aux collectivités de fixer un coefficient de biotope (milieu biologique présentant des conditions de vie homogènes), dans leurs Plans locaux d’urbanisme. Autrement dit, elles peuvent imposer aux constructeurs de garder ou de créer des surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables dans leurs projets de construction ou de rénovation. Espaces en pleine terre, végétalisation sur une profondeur minimale, façades végétalisés… les formes sont diverses. L’enjeu : préserver un foncier non imperméabilisé, mais aussi, des sols qui rempliront leurs services.

Diagnostiquer les sols, préalable indispensable

Quels sols préserver en priorité ? Lesquels sont les plus utiles, les plus fragiles ? Il existe une grande diversité de sol. Certains sont particulièrement précieux : les sols à forte réserve utile (quantité d’eau disponible à la végétation). Tels une « éponge », ils restituent l’eau de façon différée, selon les besoins de la végétation. Cette capacité dépend de la profondeur du sol, mais aussi, de sa porosité, teneur organique, etc. Protéger les sols présentant une bonne réserve utile est essentiel pour limiter les pertes d’eau d’un territoire.

Connaître les spécificités des sols est un préalable indispensable pour adapter leur gestion. Par exemple, un sol perméable pourra servir de zone tampon en cas d’inondation. Au contraire, un sol déjà tassé, avec une résistance mécanique élevée, pourra accueillir un projet immobilier. Caractériser les sols permet de développer des « cartes de potentiels de désimperméabilisation » ou de « renaturation des sols ». Autant d’outils d’aide à la décision , utiles pour définir sa stratégie d’aménagement et atteindre le Zéro artificialisation nette.

Cartographier les sols avec MUSE

L’outil MUSE propose une méthode pour estimer la multifonctionnalité des sols à l’échelle du 250000ième. MUSE a été piloté par le Cerema avec un consortium de trois collectivités (Nantes, Châteauroux et Aix-Marseille-Provence), puis complétée par la consultation d’un riche panel d’acteurs (parmi lesquels, le Bureau de recherches géologiques et minières, la chambre d’agriculture de l’Indre, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe), etc.

Découvrir Muse.

Renaturer les sols contaminés

Très convoitées, les friches industrielles ou agricoles peuvent être converties en zones naturelles ou jardins. Prudence, toutefois : des transferts de polluants peuvent apparaître ou s’aggraver lors de ces changements d’usage des sols.

Lire le guide "Présomption de pollution d'un sol - Des clés pour comprendre et agir".

Des mesures sectorielles

En parallèle d’un diagnostic des sols, il s’agit d’évaluer les impacts des transports, de l’industrie, de l’agriculture, de la sylviculture, de l’aménagement, de la construction, etc. sur la qualité du sol et de proposer des mesures adaptées dans chacun de ces secteurs.

Intégrer la qualité des sols dans l’aménagement

En ville, faire du sol une solution face au changement climatique

En ville, la lutte contre les îlots de chaleur urbains passe par un bon fonctionnement des sols. De fait, les collectivités multiplient les initiatives pour renaturer les rues et végétaliser les bâtiments. Fraîcheur, bruit atténué, bien-être, biodiversité, absorption de CO2, les avantages sont multiples. De nombreux travaux prouvent aussi l’efficacité du maintien des sols en place et des ouvrages végétalisés pour réduire les flux de polluants (qui s’accumulent en ville), vers les cours d’eau et les milieux naturels.

Autre risque majeur pour les villes : les inondations. Une solution d'adaptation fondée sur la nature consiste à rendre perméables les sols présentant un potentiel d’infiltration élevé (enlever le bitume là où c’est possible). L’eau de pluie s’infiltre dans la terre, et plutôt que de ruisseler, recharge les nappes phréatiques, menacées par la sécheresse (et donc nos ressources en eau) ou alimente la végétation.

Eau-sol-biodiversité : un trio à optimiser pour rafraîchir l’air

Les trois marchent ensemble. Plus un sol est structuré (grumeleux, il s’aère et se draine facilement), plus il pourra stocker d’eau et plus la végétation, en transpirant, rafraîchira l’air ambiant. De même, plus la végétation sera dense, plus elle favorisera la structuration des sols grâce à ses racines et lui permettra de stocker d’eau.

 

Plus la végétation sera dense aux pieds des arbres, plus le sol sera capable de stocker d’eau.

Plus la végétation sera dense aux pieds des arbres, plus le sol sera capable de stocker d’eau.

Revoir les pratiques agricoles et sylvicoles

Certaines pratiques sont à limiter : l’usage d’engrais chimiques appauvrit la teneur organique du sol. De même, le labour intensif : le passage de camions lourds ou d’engins de chantiers tassent le sol, réduisent son pouvoir filtrant et absorbant d’eau, donc sa capacité à résister aux aléas climatiques. Utile à court terme – et nécessaire dans certains cas - le labour augmente en réalité de 10 à 100 l’érosion des sols. Il les fait « fondre » à long terme.

Au contraire, d’autres techniques sont à privilégier :

  • couvrir les sols (compostage, paillis, fumier…) augmente leur teneur organique et les protège des fortes pluies ou des sécheresses.
  • installer des haies, taillis, bandes enherbées : cela préserve les sols des vents, de l’érosion, tout en offrant un habitat aux insectes et espèces.

Prévenir plutôt que réparer

Seule l’activité biologique (des microbes, de la faune, du système racinaire) et l’action du climat sont capables de restaurer les sols dégradés. Cette régénération est très lente et ne s’observe pas à l’échelle des temps humain. Même si des méthodes de restauration existent (tel l’apport de matière organique, l’inoculation de vers de terre), la stratégie à privilégier reste d’éviter de dégrader les sols.

Approfondir la recherche, sensibiliser

Etude des sols, Laboratoire vivant du Cerema, à Trappes (78)

Les sols sont encore peu connus, il reste tant à explorer ! Publiée en 2016, une étude de l’Ademe pointe la nécessité de mieux comprendre l’impact du changement climatique sur les sols (biodiversité, érosion, désertification, mécanismes de la gestion des eaux, …) et inversement. Elle promeut une recherche multidisciplinaire (physiciens, chimistes, biologistes du sol, hydrologues, écologues et sociologues). Il s’agit aussi de sensibiliser les multiples acteurs concernés: décideurs, élus, aménageurs, urbanistes, agricultures, gestionnaires de forêts, d’espaces verts, du risque, etc.
L’Association Française pour l'Étude du Sol (Afes)  rassemble toute personne intéressée par l’étude des sols : chercheurs, enseignants, techniciens, agriculteurs, citoyens, etc.

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