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Bâtiment : comment rénover et construire face au dérèglement du climat ?

Canicules, intempéries extrêmes, mouvement de terrain argileux, … ces trois aléas climatiques menacent de plus en plus nos bâtiments. Quels sont les risques encourus ? Quels choix de construction et de rénovation effectuer pour protéger  nos maisons, nos immeubles, nos bâtiments publics, nos sites d’entreprises ? Le point sur les constats et le solutions pour garder à l’avenir des bâtiments, agréables et sûrs.

28 °C

C’est le seuil de tolérance

au-delà duquel l’inconfort est reconnu à l’intérieur du bâtiment.

100 %

Des logements en France

risquent d’être impactés par la canicule.

1 sur 2

C’est le nombre de maisons du pays

qui risquent d’être fissurées en raison du « retrait-gonflement des argiles » (RGA), accentué par le réchauffement climatique.

Comprendre

Les vagues de chaleurs impactent le confort d’été et notre santé

Tous les scénarios du GIEC convergent : les vagues de chaleur poseront des difficultés partout en France. Elles génèrent déjà un problème sanitaire, social et économique, avec une aggravation de la mortalité chez les plus vulnérables. Elles seront encore plus fréquentes et fortes demain. Météo France prévoit deux fois plus de jours de vagues de chaleur d’ici 2050. Cette hausse des températures modifie le système thermique des bâtiments. Certes, en hiver, les besoins énergétiques en chauffage devraient beaucoup diminuer. Mais en été, l’inconfort thermique va progressivement augmenter, alors que ce problème est déjà parfois critique.
Ces difficultés appellent des adaptations. Le constat est là : nos bâtiments ne sont pas adaptés à la chaleur générée par le rayonnement du soleil. Certains locaux (sous les toits ou très vitrés) sont invivables. Notre culture ne nous a pas non plus préparés aux gestes et techniques permettant de réduire l’inconfort d’été. Préparer nos bâtiments et leur environnement proche aux canicules est d’autant plus indispensable dans les espaces très urbanisés soumis à un effet d’îlot de chaleur.

Lire aussi : notre dossier Impact Canicule

Les inondations endommagent les bâtiments et menacent notre sécurité

Autre aléa climatique qui peut nuire aux bâtiments, les pluies augmentent en fréquence et en intensité. Jusque-là cantonné dans le sud de la France, le phénomène gagne tout le territoire. Couplé à l’imperméabilisation des sols, cela aggrave les risques d’inondation, notamment par ruissellement. Aujourd’hui, 17 millions de Français sont exposés aux risques naturels d’inondation (par débordement de cours d’eau, remontée de nappes, submersion marine et ruissellement). Ces inondations endommagent les bâtiments: détérioration des isolants, des enduits et des revêtements ; humidité ; réseaux électriques et équipements notamment de chauffage endommagés. Ces évènements peuvent porter atteinte à la sécurité des personnes, perturber ou stopper l’utilisation d’un bâtiment avec des effets dominos sur le plan socio-économique.

Lire aussi : notre dossier Impact Inondation

Le retrait-gonflement des sols argileux fragilise les fondations des maisons

La sécheresse plus intense et profonde des sols, sur des périodes prolongées, peut mettre à mal les fondations des maisons individuelles. En cause ? Le phénomène dit "retrait-gonflement des sols argileux" (RGA). Les sols, lorsqu'ils sont argileux, se rétractent en période sèche et gonflent en période humide, ce qui risque de provoquer des fissures pour les bâtiments sans fondation ou structure appropriée. Le changement climatique, en accentuant les épisodes de sécheresse et de précipitations, intensifie ce phénomène. Le risque va de la fissure inesthétique jusqu’à l’arrêté de péril. Ce sont surtout les bâtiments de faible hauteur comme les maisons individuelles qui sont concernées. Mais selon des études récentes, des bâtiments plus hauts pourraient également être fragilisés par le RGA, si leurs fondations ont été mal conçues.

La fréquence accrue des sécheresses extrêmes constatée ces six dernières années augmentera la vulnérabilité du bâti, avec  un effet cumulatif des désordres, qui nécessiteront des travaux lourds et coûteux, analyse cet article du Cerema. En métropole, le RGA représente déjà le second aléa en volume de dommages matériels causés. A l’avenir, les dommages consécutifs au RGA devraient tripler sur la période 2020-2050 selon France Assureurs. Plus de la moitié des maisons individuelles du pays sont par leur localisation exposées à ce risque encore trop souvent mésestimé.

Lire aussi : notre dossier Impact retrait-gonflement des argiles

 

Agir

En 2050, le paysage urbain n’aura pas radicalement changé. Le taux de renouvellement des bâtiments de l’ordre de 1 % par an imposera de faire avec les bâtiments existants ou en cours de construction. Un large panel de techniques existe pour les protéger des aléas climatiques. Pour autant pas de solution miracle. Tout dépend du contexte et de leur vulnérabilité. Une chose est sûre : s’en tenir au bâtiment seul ne suffira pas. En complément, il est indispensable d’agir sur leur environnement et nos usages.

Prévenir les coups de chaleur : des solutions « dans » et « en dehors » des bâtiments

Le défi ? Maintenir une température agréable dans les bâtiments même par forte chaleur, sans recourir à la climatisation (quand c’est possible), car cette solution énergivore contribue à rejeter de l’air chaud à l’extérieur. Des alternatives techniques existent : installer des protections solaires sur les vitres extérieures ; végétaliser les expositions est, sud et ouest ; poser des filtres solaires sur les vitres ; isoler les toitures ou les combles ; changer les menuiseries et les équipements pour ouvrir les baies vitrées ; installer des brasseurs d’air (ventilateur de plafond) ; s’équiper d’un puits provençal ( technique qui permet de récupérer le froid du sol) ; choisir des revêtements clairs… 

Une technique traditionnelle a le vent en poupe : le « cool roof » qui consiste à repeindre son toit en blanc avec une peinture spéciale. Cependant elle est réellement efficace sur les toitures peu ou pas isolées et nécessite des conditions précises par rapport à l’environnement du bâtiment. Le mieux ? S’entourer de professionnels pour dresser un diagnostic et choisir les solutions les plus adaptées en fonction de son budget et de ses besoins.

-2 à 4 °C

C’est la baisse de température
qu’on peut ressentir en plaçant un ventilateur au plafond (il en faut au moins un pour 15m²). Avec un taux d’énergie réduit et un effet instantané. Le brassage d’air réduit aussi l’activité des moustiques.

-10 à 15 °C

C’est la baisse de température
qu’on peut ressentir à l'intérieur d'un bâtiment selon son traitement et son usage.

-3 à 5 °C

C’est la baisse de température
qu’on peut obtenir en ouvrant les fenêtres la nuit. La ventilation naturelle est trois fois plus efficace que la ventilation mécanique (VMC).

Même un bâtiment bien conçu ne suffira pas à passer le cap de la canicule. En complément, il est indispensable de tirer partie de tous les moyens à notre disposition : agir sur l’environnement dans lequel s’intègre le bâtiment mais aussi sur nos usages. Végétaliser les toitures et façades, planter des essences adaptées, installer des points d’eau… Au-delà d’empêcher la chaleur de pénétrer à l’intérieur du bâtiment, ces solutions aident à rafraîchir l’air extérieur et améliorent l’impact de la ventilation la nuit. Ces solutions fondées sur la nature peuvent aussi être mises en place à une échelle plus large : la ville. A travers leurs décisions d’aménagement, les collectivités ont un rôle clé pour faire baisser la température en ville et améliorer par là notre confort à l’intérieur des bâtiments.
Côté comportements : anticiper la fermeture des fenêtres et volets lors des fortes chaleurs, faire circuler l’air la nuit, éviter d’utiliser des appareils ménagers qui produisent de la chaleur, etc. Tous ces gestes simples ont un impact.

L’architecture bioclimatique, solution pour demain ? 

L’architecture bioclimatique tient compte des interactions entre le bâtiment, le climat et son environnement. Chaque bâtiment est aménagé différemment selon le climat, sa localisation, son exposition... Le but ? Optimiser le confort tout en consommant le moins d’énergie possible. Il s’agit de se protéger des aléas du climat (froid/chaud, pluie…), de profiter de ses bienfaits (chaleur ou fraîcheur naturelles, luminosité…), tout en améliorant la qualité sanitaire du lieu, avec le moins d’impact possible sur l’environnement. Une architecture bioclimatique pour demain doit tenir compte du climat futur.

Une obligation pour les constructions neuves 

L’approche s’est développée dans les années 1970. Depuis la réglementation thermique 2012 ( RT 2012) tout logement neuf doit être conçu avec des préoccupations bioclimatiques. Plus récemment, la réglementation environnementale RE 2020 renforce aussi la notion de confort d’été des constructions neuves. Elle fixe un nouvel indicateur, qui mesure la durée d’inconfort : le « degré-heure ». Si le projet dépasse le seuil haut, l’équipe doit revoir sa conception. Au-delà du thermique, la RE2020 intègre les notions de performance énergétique et d’empreinte environnementale du bâtiment. La limite du confort en période chaude est de 28°C. Les exigences bioclimatiques ne s’imposent qu’aux bâtiments neufs. Mais les programmes de réhabilitation ont tout intérêt à s’inspirer de ces principes.

Anticiper pour renforcer la résilience du bâtiment face aux inondations

Faut-il éviter de construire en zone inondable ? Délocaliser n’est pas toujours l’option la plus pertinente d’autant que techniquement, il est possible de construire en zone inondable. A travers leurs documents d’urbanisme, les collectivités peuvent ainsi autoriser la construction de nouvelles édifications dans les zones exposées, à condition qu’elles respectent certaines règles. Plusieurs stratégies peuvent être adoptées :
- de type « éviter » : surélever le bâti ; recourir à des constructions flottantes ou amphibies.
- de type « résister » : empêcher l’eau d’entrer (en installant par exemple des batardeaux) ;
- de type « céder » : aménager un rez-de-chaussée peu sensible à l’eau.

Quant aux bâtiments existants, différentes techniques existent pour les rendre plus résistants : sécuriser le circuit électrique, aménager une zone refuge en hauteur, installer des batardeaux sur les portes, une pompe submersible en sous-sols, des clapets anti-retour sur le réseau d’eaux usées, choisir des revêtements de sol et des menuiseries peu sensibles à l’eau, rehausser les systèmes de chauffage ou les placer dans une pièce non inondable. Avant tout, un diagnostic de vulnérabilité s’impose pour identifier les travaux nécessaires. Les particuliers et les entreprises de moins de vingt salariés peuvent obtenir un financement Etat (FPRNM) pour couvrir les frais engendrés par la conduite de ces travaux.

A Saint-Pierre-des-Corps (37), la résidence Nouvel R a été entièrement construite sur une zone inondable : les habitations sont bâties sur pilotis, reliées par des coursives, avec une emprise au sol minime pour faciliter l’écoulement des eaux.

Adapter les bâtiments ne suffira pas. En complément, il est indispensable de penser autrement l’aménagement du territoire et d’observer certains principes : faciliter l’écoulement des eaux de ruissellement (par exemple en jouant sur l’orientation des bâtiments), anticiper les circulations en cas de crue, sans oublier les « solutions d’adaptation fondées sur la nature ». il s’agit d’encourager toutes les pratiques naturelles qui permettent d’absorber les eaux de pluies ou de les reconnecter à leurs nappes phréatiques : désimperméabiliser les sols, implanter des noues, des jardins de pluies, restaurer les zones humides, rendre aux rivières leurs méandres pour réduire le débit d’eau…

Mieux reconstruire après l'inondation, le dispositif Mirapi

Le dispositif Mirapi vise à aider les sinistrés à reconstruire leur habitation de façon plus "résiliente", en mutualisant les travaux de réparation et/ou de remise en état post inondation et ceux de réduction de la vulnérabilité. Il est financé par le Fonds Barnier et concerne les habitations sinistrées couvertes par un contrat d’assurance.

Limiter la sinistralité due au retrait-gonflement des sols argileux

La réglementation concerne surtout les nouvelles constructions situées dans des zones exposées moyennement ou fortement au RGA. Un arsenal de règles à respecter a été introduit dans l’article 68 de la loi Elan (2020), comme le détaille le site Géorisques.fr. Bien que la loi laisse le choix entre réaliser une étude de sol ou appliquer des dispositions constructives, celles-ci pouvant se révéler insuffisantes selon les cas, une étude du sol est donc fortement recommandée.
Si un risque est avéré, le constructeur doit suivre certaines prescriptions. Ancrer les fondations en respectant un minimum de profondeur, renforcer les habitations par des mesures de chaînage, désolidariser les différentes parties de la maison avec des joints de rupture, préserver l’humidité du sol … tout un ensemble de mesures simples, de bon sens et au coût raisonnable existent qui permettent d’éviter des dégâts considérables par la suite.

Pour les bâtiments existants, les techniques classiques de stabilisation, qui consistent à reprendre les fondations ou à confiner les sols, sont coûteuses et complexes. De nouvelles pistes sont à l’étude. Ainsi, le Cerema teste actuellement une solution de réhydratation du sol, le projet MACH « MAison Confortée par Humidification », bien moins chère que la reprise des fondations. Le principe consiste à équilibrer le taux d’humidité dans le sol de fondation grâce à une réhydratation ciblée et maîtrisée pendant la sécheresse. Dans tous les cas, le premier pas est de s’informer et de surveiller les fissurations.

La plateforme R4RE pour cartographier les risques bâtiment par bâtiment 

Pilotée par l'Observatoire de l’Immobilier Durable, la plateforme R4RE – Resilience for Real Estate comprend un outil d'analyse de risques climatiques et un volet d'analyse des risques biodiversité. Il suffit de sélectionner l'adresse du bâtiment ou du projet à analyser, de répondre à une série de questions sur le bâtiment pour affiner le résultat et obtenir un diagnostic assez précis.

Focus terrain

Confort d’été : un plan d’adaptation pour les bâtiments publics en Seine-Saint-Denis

Fiche d’identité

Territoire
Seine-Saint-Denis (93)

Financement
Prestation de gré à gré puisque la Seine-Saint-Denis est une collectivité adhérente du Cerema. Piloté par le Service Développement Durable. 
Mission à 40 000 €

Temps de réalisation 
1 an

 

Hôtel de préfecture de la Seine-Saint-Denis

"On s'est aperçu depuis quelques années maintenant que les questions de changement climatique ne relevaient pas que d'un enjeu d'atténuation de nos émissions de carbone ou de nos gaz polluants, mais aussi d'apprentissage de vivre avec des conditions climatiques durablement modifiées et avec des chocs climatiques qui sont appelés à devenir plus intenses et plus fréquents." constate Ari Brodach, directeur de la délégation à la transition écologique de la Seine-Saint-Denis. 
C’est dans le cadre de son partenariat avec le Cerema que le Département a donc choisi de faire un « test de robustesse » de son patrimoine bâti à l’aune de cette nouvelle donne climatique.

Évaluer la résistance du patrimoine immobilier 

A partir d’une première projection sur les évolutions climatiques à horizon 2050, quelques 300 bâtiments ont été passés au crible. Le diagnostic s’est appuyé sur un relevé des températures précis et une analyse des caractéristiques de construction de chaque bâtiment : années de construction, isolation, végétalisation de la parcelle... Résultat : Une trentaine de bâtiment se sont avérés particulièrement vulnérables. 

Le travail avec les équipes du Cerema a également permis d’actualiser les scenarios climatiques utilisés par le Département pour concevoir leurs futurs bâtiments devenus obsolètes. Le nouveau référentiel intègre désormais une perspective à +4°C et des périodes de canicule plus longues, de mai à septembre. De plus l’étude a montré l’importance de privilégier les isolations biosourcées qui ont un meilleur déphasage thermique (le temps nécessaire pour que la chaleur extérieure pénètre à l'intérieur d'un bâtiment). Enfin le plan prévoit toute une série de recommandations, pour adapter les modes de vie à ses nouvelles conditions climatiques comme le télétravail, le travail décalé en période de forte chaleur ou l’aération nocturne des locaux.

Trois raisons de se lancer 

Pour Ari Brodach, cette démarche devrait être envisagée par tous les territoires à plus d’un titre. "Tout d’abord parce que lorsqu’on parle d’adaptation on parle d’usage, de qualité d’usage et ça, ça parle aux gens". Ensuite parce qu’il est toujours moins couteux d’adapter les bâtiments aux fortes chaleurs à venir que de devoir les équiper en climatisations qui augmentent considérablement la facture énergétique des collectivités. Enfin parce que c’est aussi une question de calendrier. "C'est aujourd'hui qu'il faut engager des travaux dans la mesure où le temps nécessaire à leur programmation et à leur réalisation nous emmène vite début 2030, dans des situations où d'ores et déjà, on ressentira davantage les effets des pics de chaleur" présage-t-il.

Les données, élément clé pour s’adapter

Alors que la méthode se déploie dans d’autres départements, François Marconnot à l’initiative de cette démarche d’adaptation au Cerema souligne l’importance de l’accès aux données. Contrairement aux questions de confort d’hiver, elles ne sont pas toujours disponibles. « En hiver, c'est assez facile finalement. On a un compteur. Si on consomme beaucoup en chauffage, c’est que le bâtiment n'est pas bon. Mais en été, on n'a pas l’équivalent. » S’ajoute à ce manque de données, la complexité règlementaire à laquelle sont soumis les bâtiments publics : "Même si l’adaptation est aujourd’hui urgente, elle n’est qu’une priorité parmi la longue liste de contraintes que les collectivités doivent respecter sur leurs infrastructures", souligne-t-il. Un bémol qui rappelle l’importance du portage politique pour engager une stratégie d’adaptation efficace.

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