RÉSUMÉ
Source : ANR
Les vingt dernières années ont vu l’émergence ou la redécouverte de l’ulcère de Buruli, une maladie cutanée grave due à une mycobactérie, Mycobacterium ulcerans. Cette maladie est caractérisée par une infection cutanée progressive responsable de lésions ulcératives extensives et délabrantes. Les complications surviennent quand os et tendons sont atteints, et plus de la moitié des cas gardent des séquelles invalidantes en l’absence de traitement. Cette maladie a d’abord été décrite en Ouganda dans les années soixante et en Afrique Centrale, puis est apparue en Afrique de l’Ouest.
M. ulcerans est une mycobactérie environnementale aquatique apparentée à M. tuberculosis et M. leprae. Son mode de transmission n’a pas encore été parfaitement élucidé, mais l’environnement aquatique joue un rôle certain dans la distribution focale de la maladie. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, les études menées à l’échelle nationale ont montré que les régions les plus touchées étaient celles où des barrages avaient été construits et où l’agriculture irriguée était la plus développée. Il est donc vraisemblable que l’émergence de l'ulcère de Buruli est liée aux profonds changements environnementaux qu’a connus l’Afrique au cours des décennies passées.
L’objectif du projet est d’examiner les liens entre les foyers endémiques de la maladie et les changements environnementaux liés à l’homme tels les barrages, l’irrigation/agriculture, et la déforestation. Ces liens seront étudiés dans deux sites endémiques de la maladie (en climat tropical au Cameroun, et subtropical au Bénin), et dans un nouveau site proche d’un barrage au Cameroun.
L’originalité du programme repose sur le recueil simultané de données environnementales, entomologiques, épidémiologiques, et microbiologiques sur les mêmes sites d’étude, sur leur analyse en parallèle, et sur leur intégration commune au sein d’analyses géospatiales et de modèles écologiques et mathématiques. Plusieurs disciplines complémentaires vont oeuvrer et interagir au cours de ce projet : des spécialistes de l’environnement du domaine de l’écologie et de la géomatique vont travailler avec des botanistes, des entomologistes, des biologistes, des épidémiologistes, des anthropologues et des microbiologistes. La plupart ont déjà collaboré ensemble sur cette thématique dans le passé, comme en témoignent de nombreuses publications scientifiques co-signées.
Au final, des cartes de risque d’exposition à M. ulcerans seront produites à l’échelle régionale, voire nationale ou supranationale. La compréhension de la dynamique saisonnière de la présence de M. ulcerans dans l’environnement permettra l’élaboration de recommandations pour aider les populations à se protéger des infections dans les régions endémiques, et à limiter les changements environnementaux susceptibles de favoriser la dissémination de l’infection. Ces données spatiales et temporelles sur M. ulcerans et l’ulcère de Buruli seront présentées de façon à être facilement utilisables par les responsables des systèmes de santé et les personnels des ONG. Cette cartographie permettra également de cibler sur les régions les plus à risque des interventions telles la détection active des cas, et les campagnes de sensibilisation. Les données obtenues à partir des programmes de diagnostic et de traitement permettront en retour d’affiner les modèles de compréhension.